La Fédération espagnole de l'Internationale
et la Commune de Paris (1871-1874)
Joël DELHOM
Chercheur
Communication présentée au Colloque national du 125e anniversaire de la Commune de Paris
Université de Perpignan - 28-30 mars 1996. Les Actes paraîtront prochainement.
Au sud des Pyrénées, la Commune suscita immédiatement beaucoup de curiosité, teintée d'espoir pour les uns et d'inquiétude pour les autres. Il faut dire que l'Espagne traversait alors une période de forte instabilité politique : après que la révolution de Septembre 1868 eût chassé la reine Isabelle II, des Cortes constituantes, élues au suffrage universel, avaient proclamé la monarchie constitutionnelle en juin de l'année suivante. Les Espagnols se cherchaient un souverain. La candidature du prince Leopold de Hohenzollern fut à l'origine de la guerre franco-prussienne ; finalement, Amédée de Savoie accepta la couronne le 16 novembre 1870.
Dès 1871, la Commune donna lieu à un grand nombre de publications (articles, livraisons régulières dans la presse, brochures, ouvrages originaux, traductions)[ (43)] et un journal républicain prit même le titre El Comunero Federal, le 1er mai 1871. Les secteurs catholiques traditionalistes (carlistes) faisaient de l'insurrection parisienne des descriptions apocalyptiques et y voyaient la conséquence ultime de la subversion libérale. Les monarchistes libéraux, pour se laver de l'accusation, en rendaient responsable la démagogie républicaine. A partir d'avril, la presse conservatrice et le gouvernement, sans doute pour justifier d'éventuelles mesures répressives, firent courir le bruit que trois cents agents de l'Internationale étaient arrivés dans les grandes villes espagnoles pour fomenter une révolution sociale. Les républicains partisans du centralisme avaient eux aussi intérêt à accréditer la thèse du complot afin, d'une part, de ne pas être identifiés aux communards, dont une partie du programme coïncidait avec le leur, et d'autre part, pour se démarquer sur leur gauche des républicains fédéralistes, en faisant de leurs théories la source des événements parisiens[ (44)].
C'est dans ce cadre global que les Internationaux espagnols et les républicains fédéralistes défendirent l'insurrection, mais à des moments différents et chacun en y voyant le triomphe de sa propre doctrine. L'aile gauche républicaine, qui s'était faite le porte-parole des revendications populaires jusqu'à la création de la Fédération régionale espagnole (F.R.E.) de l'A.I.T. en juin 1870 et qui n'avait pas abandonné l'espoir de représenter le monde ouvrier[ (45)], soutint le soulèvement parisien dès qu'elle en eut vent. Toutefois, elle réduisait la signification politique de la Commune à son fédéralisme, même si elle mentionnait aussi l'aspiration du peuple à plus de justice sociale. Lorsque les communards furent accusés d'avoir incendié Paris, et que la presse de droite se déchaîna, les fédéralistes établirent alors une distinction entre les principes de la Commune et les crimes qui lui étaient imputés[ (46)].
Quant à la F.R.E., il semblerait qu'elle se soit maintenue dans une certaine réserve critique vis-à-vis du mouvement parisien jusqu'en mai-juin 1871. Il convient de préciser qu'ayant été impulsée par des émissaires de Bakounine, notamment par Giuseppe Fanelli de novembre 1868 à janvier 1869, la section espagnole de l'A.I.T. adhérait depuis son origine à l'apolitisme, au collectivisme et au fédéralisme bakouniniens. Peut-être par manque d'information et aussi parce que l'événement était "récupéré" par les républicains fédéralistes, probablement encore pour donner de l'Internationale une image positive, légaliste, et ainsi contrer les calomnies de la presse libérale ou catholique, la F.R.E. se démarquait de la Commune, qu'elle devait sans doute percevoir comme une énième révolution politique, et préférait insister sur la nécessité de développer la formation et l'organisation des travailleurs. On pouvait ainsi lire dans La Federación du 2 avril 1871[ (47)] que ce qui se passait à Paris était important parce que cela prouvait le mécontentement universel à l'égard de la bourgeoisie, mais que les masses françaises n'étaient pas suffisamment organisées et que le mouvement serait probablement étouffé, comme un nouveau 48. L'Internationale ne dirige rien, écrivait-on, ni là-bas ni ici ; elle ne conjure pas, parce que la révolution ne viendra que le jour où, "au moyen du plus pur et spontané suffrage de tous, y compris les hommes d'ordre, ils promulgueront la loi du collectivisme et de la propriété de la terre et des instruments de travail"[ (48)]. Cette position non violente est d'ailleurs tout à fait comparable, d'un point de vue théorique, à celle de la section française de l'A.I.T. pendant la Commune[ (49)].
Aussi faudra-t-il attendre jusqu'à début mai pour qu'une manifestation ouvrière d'importance salue l'oeuvre des Parisiens, et encore ne concerne-t-elle que ses aspects antimilitariste et internationaliste, ce qui est assez paradoxal pour une insurrection née d'une réaction patriotique. Le 2 mai 1871, jour de fête nationale et anti-française en Espagne[ (50)], commémorée par toutes les sensibilités politiques, la section madrilène de la F.R.E. organisa, dans un grand café de la capitale, une réunion de solidarité franco-espagnole qui réunit environ 250 personnes, en majorité des ouvriers[ (51)]. Ils protestèrent contre l'idée mesquine de patrie, source d'une haine entre les peuples dont bénéficient les exploiteurs, et adressèrent un salut de solidarité à la Commune, qui avait déboulonné la colonne Vendôme une quinzaine de jours auparavant. Le rassemblement fut violemment dissout par une foule nationaliste, sans que les forces de l'ordre n'interviennent. Une autre réunion eut lieu à Barcelone et La Federación du 14 mai publia une "Déclaration internationale" qui louait la décision de la municipalité de Paris de renverser ce symbole du militarisme[ ]et qui était signée par la "Commission mixte de Français et d'Espagnols" nommée ce 2 mai[ (52)].
La F.R.E. n'apporta un soutien total à la Commune qu'à partir de la Semaine sanglante. Les Internationaux, qui commençaient à valoriser l'aspect social de cette révolution, approuvaient pleinement les prétendus accès de violence du peuple martyrisé, tandis que les descriptions les plus abominables des "crimes" de la Commune innondaient la presse bourgeoise. Les derniers jours de mai, le gouvernement avait décidé de considérer les réfugiés français comme des criminels de droit commun et de les remettre à la gendarmerie ; parallèlement, il conférait des pouvoirs illimités aux gouverneurs de provinces pour réprimer l'Internationale. Le 4 juin 1871, le soulèvement parisien ayant été noyé dans le sang, les trois membres principaux du Conseil fédéral de la F.R.E., les anarchistes Anselmo Lorenzo, Francisco Mora et Tomás González Morago[ (53)], signèrent et diffusèrent à Madrid un "Manifeste de quelques partisans de la Commune aux puissants de la Terre", qui lançait un véritable cri de guerre contre les possédants. Le texte, publié aussi à Barcelone dans La Federación, fut abondamment commenté dans toute la presse nationale. La bourgeoisie espagnole, terrifiée, découvrait un prolétariat organisé et menaçant, qu'elle assimilait nécessairement aux communards.
Le "Manifeste" annonce déjà un changement de tactique de la F.R.E. Voilà ce qu'on pouvait y lire :
"Classe privilégiée, bienheureux de la terre, avares insatiables et fainéants [...] Êtes-vous si aveugles que vous ne voyez pas qu'il est impossible d'en finir avec les défenseurs de la Commune sans en finir avec tous les travailleurs du monde ?
[Suivaient des considérations doctrinales sur l'inutilité des soulèvements populaires à des fins politiques étant donné que l'organisation sociale avait résisté à tous les changements politiques et qu'avec elle avait subsisté l'exploitation des travailleurs.]
Désormais, tout est déjà légitimé : entre vous et nous il ne peut y avoir aucun arrangement. Un abîme de sang, un abîme de crimes, une montagne inaccessible d'intolérance nous sépare. C'est vous qui l'avez voulu ; c'est vous qui l'avez dit ; c'est vous, enfin, qui l'avez fait : guerre à mort ; guerre du producteur contre le parasite et l'exploiteur ; guerre entre riches et pauvres ; guerre entre celui qui, sans rien produire, consomme tout et celui qui, produisant tout, n'a pas de pain à donner à ses enfants. [...]
En un mot : les événements de Paris, que nous acceptons, en ce qui concerne la Commune, en totalité, sans habile exception d'aucun genre[ (54)], sont venus nous prouver que si un jour vous nous entraîniez dans la lutte en tant que classe, si eux ont brûlé, si eux ont fusillé et assassiné, nous, nous devrions réduire ces trois moyens à un seul : nous, nous nous ferions sauter avec les villes et avec vous.
En toute confiance et en toute tranquilité vous pouvez crier : La Commune est morte ; il ne reste plus aucun de ses partisans.
A ce cri, les millions de travailleurs que nous sommes vous répondront de toutes les régions d'Europe : La Commune est morte ! Vive la Commune !"[ (55)].
La barbarie versaillaise marque clairement une rupture historique, la fin d'une utopie de réconciliation sociale et le basculement du mouvement ouvrier vers l'action révolutionnaire violente. Elle permet la prise de conscience brutale d'un antagonisme irréductible, d'une lutte à mort inévitable entre les deux grandes classes, les riches et les pauvres.
Cette analyse est confirmée par l'étude de la presse internationaliste qui exalte, à partir de juin 1871, l'héroïsme et le martyre des communards et s'emploie à expliquer la signification idéologique profonde de la Commune[ (56)]. Les militants justifient les incendies comme des actes symboliques, dénoncent la sauvagerie versaillaise, attaquent la "classe moyenne" (bourgeoisie) considérée comme l'instigatrice de la répression et comme la responsable des révolutions de par son conservatisme forcené (refus des réformes nécessaires) : si elle n'évolue pas, menace-t-on, ce sera la guerre des classes. La Commune est présentée comme l'annonce du triomphe prochain du socialisme fédéraliste et de la fin du centralisme politique bourgeois. Elle est perçue comme une tentative d'émancipation complète du prolétariat, basée sur la gestion directe et le collectivisme ; elle constitue, par conséquent, la négation des révolutions politiques. La Commune, explique-t-on, enseigne la primauté du social, la politique n'ayant d'autre but que de masquer au peuple la lutte des classes : "[...] les partis qui ne subordonnent pas la politique à la question sociale ont perdu leur raison d'être : c'est la lutte des pauvres contre les riches ; désormais, il n'y a plus que ces deux partis : les révolutions ne seront pas politiques, elles seront sociales"[ (57)]. L'insurrection parisienne fait donc accéder le prolétariat à une véritable conscience de classe.
Jusqu'en 1871, malgré leur rapide développement, les activités syndicales de la F.R.E. n'avaient pas préoccupé les autorités. Ce n'est qu'à partir de la fin mars et du mois d'avril que la Commune attire l'attention de la presse et du gouvernement sur l'A.I.T., qui est alors décrite comme une organisation secrète révolutionnaire dirigeant le soulèvement parisien. Mais la F.R.E., qui se maintient dans une certaine réserve et reste prudemment dans la légalité pour ne pas compromettre son développement, ne prête pas encore le flanc aux accusations. Ce sont les circulaires de Jules Favre aux gouvernements européens (28 mai et 5 juin 1871) et les fausses rumeurs sur les "crimes abominables" des communards, qui fournissent au ministre Práxedes Mateo Sagasta le prétexte qu'il attendait pour prendre des mesures contre l'Internationale, début juin. Lorsque le Conseil fédéral de la section espagnole poussa son cri de guerre, la F.R.E. était déjà perçue par l'opinion publique bourgeoise comme une menace pour la paix politique et sociale du pays. Dans un premier temps, ce ne sont donc pas les agissements de la F.R.E. qui suscitent, en Espagne, l'identification de l'A.I.T. avec la Commune et qui provoquent la répression. Le "Manifeste" réagit à la fois contre l'horreur de la Semaine sanglante et contre la menace de persécution qui pèse sur la F.R.E. Si la Commune a bien joué le rôle de révélateur idéologique, le gouvernement espagnol porte donc aussi une lourde responsabilité dans la radicalisation progressive du mouvement ouvrier.
Craignant d'être arrêtés, Lorenzo, Mora et González Morago se réfugièrent au Portugal courant juin, où ils aidèrent à créer les premières sections portugaises de l'Internationale[ (58)]. La diffusion de l'idéologie socialiste au Portugal est donc une conséquence marginale des événements parisiens et de leurs répercussions en Espagne.
La Commune, en créant une fracture définitive entre le mouvement ouvrier et le fédéralisme bourgeois, d'une part, et en accentuant la division entre républicains centralistes et républicains fédéralistes, d'autre part, a joué un rôle décisif dans le processus général de clarification politique en Espagne. Au sein de la F.R.E., elle a aussi renforcé la ligne bakouniniste dont elle a contribué à diffuser l'idéologie. En effet, lors du premier Congrès de la Fédération espagnole en juin 1870, le refus de participer à la politique parlementaire avait rencontré une forte opposition[ (59)] ; après la Commune, c'était un fait acquis, tant les politiciens étaient perçus comme complices du pouvoir oppresseur et hostiles à toute transformation sociale d'envergure[ (60)]. Dans un article très limpide intitulé "Pourquoi nous combattons le parti républicain", La Emancipación, l'organe madrilène des Internationaux, attaquait ainsi les républicains espagnols :
"Entre la république parlementaire de Thiers et de Jules Favre et la république représentative que les bourgeois veulent établir en Espagne nous ne parvenons pas à voir la plus légère différence [...]. De sorte que, sans crainte de nous tromper, nous pouvons assurer que si les républicains accédaient au pouvoir et si nous leur demandions l'application rigoureuse des principes démocratiques, ils nous répondraient ni plus ni moins que leurs corréligionnaires de France, par la gueule des canons [...]"[ (61)].
La Conférence clandestine de Valence, en septembre 1871, qui déclarait "que la véritable République démocratique fédérale est la propriété collective, l'Anarchie et la Fédération économique, autrement dit la libre Fédération universelle des libres associations ouvrières, agricoles et industrielles [...]"[ (62)], puis le Congrès de Saragosse, en avril 1872, et le Congrès de Cordoue, en décembre de la même année[ (63)], ont consolidé l'orientation bakouniniste de l'organisation ouvrière.
En dépit des déclarations incendiaires du "Manifeste" et de la presse militante contre la bourgeoisie, la radicalisation théorique de la F.R.E. n'eut pas de répercussion immédiate sur la stratégie de l'organisation, comme l'atteste une longue lettre ouverte du Conseil fédéral en exil à Lisbonne au nouveau ministre de l'Intérieur espagnol (datée du 6 août et accompagnée des Statuts de l'organisation). Après avoir expliqué les buts de l'A.I.T. et affirmé la totale indépendance de la Fédération vis-à-vis de l'étranger, le Conseil protestait contre les calomnies et la répression subies par l'Internationale, exigeait que l'exercice du droit d'association fût garanti aux travailleurs et déclarait :
"L'Internationale veut changer complètement les bases de cette société d'esclaves et de seigneurs [...]. Mais nous ne savons que trop que cela ne se réalise ni par des désordres immotivés, ni par d'éphémères révolutions politiques. Ce n'est que par la propagande et la discussion active de nos principes que nous nous proposons d'obtenir l'unité de vues nécessaire pour que leur pratique soit un fait dans le monde social. Nous aussi nous voulons l'ordre [...]. Nous, nous nous en tenons aux lois du pays [...]"[ (64)].
Il ne s'agissait pas là d'un discours de circonstance destiné aux autorités puisqu'un numéro de l'été 1871 de La Emancipación, écartait dans l'immédiat le recours à la violence :
"Ce but [complète émancipation des travailleurs] ne peut être réalisé qu'au moyen de la révolution sociale, révolution qui sera plus ou moins violente, selon que les obstacles que la classe privilégiée opposera à leur réalisation seront plus ou moins grands. A ce propos, nous ne nous faisons pas d'illusions ; un ordre de choses basé sur la force ne peut être détruit que par la force, mais nous distinguons parfaitement la période de propagande de la période de destruction et de celle de l'organisation. Actuellement, nous nous trouvons pleinement dans la première [...]"[ (65)].
Si la Commune a pu laisser croire à la bourgeoisie que la révolution sociale était imminente et qu'il fallait s'en préserver par tous les moyens, pour le mouvement ouvrier, en revanche, elle fut la démonstration que les forces étaient encore trop inégales. La F.R.E. employa donc les années 1872 et 1873 à intensifier la propagande et à renforcer son organisation, ce qu'elle fit avec succès puisque les fédérations locales se multiplièrent. Pourtant, elle dut faire face aux persécutions gouvernementales et à une scission entre marxistes et bakouninistes. Paul Lafargue, le gendre de K. Marx, était arrivé en Espagne en août 1871 et en était reparti en été de l'année suivante. Né à Cuba et parlant espagnol, il avait rallié rapidement plusieurs militants à ses idées. Des divergences entre autoritaires et libertaires apparurent dans la F.R.E. dès la fin 1871 et s'aggravèrent en février 1872 : six membres de la section madrilène furent alors expulsés de la fédération locale. Réintégrés en avril, ils furent exclus une seconde fois en juin. En été, la scission était consommée et en décembre, le Congrès de Cordoue ratifia l'exclusion des militants marxistes[ (66)]. La Commune était vite devenue un pôle de divergence idéologique. A partir de l'automne 1872, quand les marxistes commencèrent à critiquer la faiblesse du gouvernement de la Commune (par exemple, dans La Emancipación du 26 octobre : "Si la Commune de Paris avait su ou voulu user de l'immense pouvoir que la révolution avait mis entre ses mains, il est probable que le triomphe du prolétariat universel serait aujourd'hui un fait. On peut dire que la Commune est morte d'une indigestion de Fédération et de liberté"[ (67)]), les anarchistes mirent davantage l'accent sur le caractère anti-autoritaire du soulèvement parisien.
L'entrée en clandestinité de la F.R.E., suite à son interdiction décrétée par Sagasta le 17 janvier 1872[ (68)], fit franchir à l'organisation ouvrière un pas supplémentaire vers la stratégie d'insurrection révolutionnaire, bien qu'elle ait jusqu'alors opté pour un développement pacifique. Dans un "Manifeste" qui réagissait à la dissolution, le Conseil fédéral déclarait :
"Jusqu'à présent l'Internationale en Espagne a voulu vivre en paix avec les pouvoirs constitués : il y a plus, elle le veut toujours [...]. Mais de toutes façons, nous aurons accompli une fois de plus notre devoir en offrant la paix à la classe moyenne [bourgeoisie] et en essayant de résoudre pacifiquement les effrayantes questions sociales. Si après tous nos efforts pour obtenir notre émancipation par les voies pacifiques, on nous ferme les portes de la légalité, nous saurons accomplir notre devoir ; lorsque toute la classe ouvrière se voit privée du droit d'association, qui est comme son centre de gravité, il ne lui reste pas d'autre recours que celui, triste et funeste, de la révolution armée"[ (69)].
Et un peu plus loin, dans ce texte daté du 31 janvier 1872, on pouvait encore lire :
"Des événements supérieurs à notre volonté et contraires à nos souhaits peuvent nous amener sur un terrain que jusqu'à présent nous avons fui, occupés que nous étions à formuler notre grande aspiration et forts de notre droit. La révolution, la révolution armée est peut-être proche. Il est probable que, entraînés par nos élans généreux, par notre amour de la liberté, par le sentiment de notre dignité foulée aux pieds, nous participions au conflit"[ (70)].
Deux mois plus tard, le 8 avril, lors du Congrès de Saragosse, la radicalisation est évidente et le changement de stratégie semble être opéré :
"La guerre sociale, la guerre entre pauvres et riches, la guerre entre seigneurs et esclaves, entre opprimés et oppresseurs, est déclarée par le gouvernement actuel, représentant de la bourgeoisie espagnole. Travailleurs, groupons-nous ; organisons nos troupes, préparons nos armes et préparons-nous pour une lutte plus ou moins proche"[ (71)].
Les passages précédents sont à comparer avec un appel "A tous les travailleurs" de La Emancipación de juillet 1871, dans lequel il était dit :
"Chaque jour, les rumeurs de prochains bouleversements sont plus persistentes. [...] Quelle attitude doit adopter la classe ouvrière en présence de cette insurrection qui s'annonce, quelle qu'en soit la nature ? [...] Par conséquent, nous conseillerons toujours à tous les travailleurs qu'ils restent dans l'expectative, qu'ils ne s'allient pour l'aider à aucun des partis rivaux, qu'ils fassent en sorte de s'organiser et de conserver unies toutes leurs forces pour le jour de la Révolution sociale, la seule qui nous intéresse"[ (72)].
Lors du premier trimestre 1872, la F.R.E., qui était jusqu'alors légaliste et refusait toute participation aux troubles politiques, bascula vers l'acceptation de la participation autonome des travailleurs à une révolution qui aurait été déclenchée par les républicains. Le mot autonome est important, puisqu'il n'a jamais été dans les intentions de la Fédération de déléguer l'émancipation du prolétariat à un parti quelconque. Il s'agissait plutôt de tirer profit d'une situation insurrectionnelle pour entraîner les masses dans un mouvement de liquidation sociale. Comment expliquer cette nouvelle orientation ? En fait, après la Conférence de Valence, probablement entre octobre et décembre 1871, tandis que les Cortes débattaient de la légalité de l'Internationale, le Conseil de la F.R.E. avait pris les devants, pour prévenir une interdiction et une répression qu'elle jugeait imminentes, en mettant en place une structure clandestine capable d'organiser les travailleurs[ (73)]. C'est donc à la fois la crainte d'une dissolution par la force et la perspective de troubles politiques qui fait évoluer la F.R.E. vers une stratégie d'insurrection armée inspirée de la Commune.
Cette option du prolétariat organisé pesa certainement sur l'échec de la Première République, proclamée le 11 février 1873 suite à l'abdication d'Amédée I[er]. La F.R.E. salua l'avènement du nouveau régime, mais recommanda aux travailleurs de continuer à s'organiser et de se méfier des manoeuvres bourgeoises (en province, les fédéralistes organisaient déjà des conseils révolutionnaires). Depuis l'été 1872, il régnait en Espagne une situation insurrectionnelle due à une grave crise économique et sociale et à l'instabilité politique (soulèvement carliste dans le Nord). Il y avait de nombreuses grèves et des occupations de terres. La proclamation de la République, malgré la propagande de la F.R.E., exacerba l'impatience de la population la plus pauvre qui identifiait république et socialisme. L'agitation augmenta au printemps 1873, surtout en Andalousie, mais elle fut réprimée par le gouvernement. L'espoir que suscita la proclamation de la République fédérale, le 8 juin 1873, entraîna du 5 au 11 juillet des soulèvements cantonalistes qui cherchaient à mettre en pratique les autonomies locales (démembrement de l'Etat en une multitude de cantons indépendants) et qui étaient, par certaines caractéristiques, assez proches des Communes françaises. En Andalousie et dans le Levant surtout, ces insurrections furent parfois orientées vers le socialisme révolutionnaire de lutte des classes par la participation d'Internationaux (par exemple, à Sanlúcar de Barrameda, province de Cadix)[ (74)]. La F.R.E. n'a pas été l'instigatrice de ces soulèvements, qui provoquèrent les démissions successives des présidents Francisco Pi y Margall (18 juillet) et Nicolás Salmerón (6 septembre), mais elle a bien cru que l'heure de la révolution était venue et ses militants y participèrent aux côtés des républicains fédéralistes intransigeants, conformément aux orientations adoptées par le Conseil fédéral au premier trimestre 1872.
Clara E. Lida a noté à propos de cette insurrection :
"Un aspect presque inconnu de la révolution cantonale, mais qui joue sans doute un rôle important dans sa gestation et son déroulement, c'est la Commune française de 1871. Son exemple et ses principes, ainsi que la présence en Espagne de communalistes français, contribuent à maintenir vivant l'esprit fédéraliste péninsulaire sous sa forme la plus extrême : le canton"[ (75)].
Parallèlement aux nombreuses études et brochures qui ravivaient le souvenir de la Commune, il faut effectivement insister sur le rôle prépondérant des réfugiés français qui pourraient être arrivés en Espagne en plus grand nombre à partir de la proclamation de la République, début 1873[ (76)]. Mais en raison de leur clandestinité, on sait peu de choses sur leurs activités. En Catalogne, il semblerait qu'ils aient intégré la F.R.E.
On connaît le cas de Charles Alerini, Paul Brousse et Camille Camet qui fondèrent à Barcelone un "Comité de propagande révolutionnaire socialiste de la France méridionale", le 4 avril 1873[ (77)]. Le premier, ancien membre de la Commune de Marseille qui serait arrivé en Espagne en 1871, serait entré à la Fédération locale de Barcelone et, à partir de décembre, aurait adhéré au groupe espagnol de l'Alliance de la démocratie socialiste[ (78)], qui servait de pilier à l'organisation clandestine de la F.R.E. En 1872, il aurait participé comme délégué espagnol aux Congrès de La Haye et de Saint-Imier. Brousse, adhérent de l'A.I.T. condamné par contumace au procès de Toulouse en décembre 1872, se serait réfugié à Barcelone en février 1873, tout comme Camet, canut de Lyon qui avait participé aux Congrès de La Haye et de Saint-Imier[ (79)]. En avril 1873, le Comité de propagande publia un Manifeste dans lequel il annonçait la parution prochaine à Barcelone du journal La Solidarité Révolutionnaire[ (80)] et où il expliquait que son but serait de propager les idées anarchistes dans le sud de la France et d'informer sur la révolution espagnole naissante pour qu'elle serve d'exemple aux révolutionnaires du midi, "pour que ceux-ci s'organisent et se préparent et que la Révolution dont la Péninsule sera le théâtre s'étende aussi à la France". Certains courriers montrent l'enthousiasme des émigrés au sujet de la situation politique espagnole et de l'activisme de la F.R.E. (libre organisation de groupes révolutionnaires). Dans une lettre du 3 juin 1873, Brousse, Alerini et Camet écrivaient :
"L'Internationale espagnole a vu tout le danger de la situation et dans son sein se forment des groupes nombreux destinés à préparer l'action. Nous vous avouerons cependant que nous n'avons pas éprouvé le besoin de choisir des chefs. Des chefs ! qu'en voulez-vous faire ? [...] Ayez confiance et préparez les forces de la révolution. Nos frères d'Espagne agiront avant peu ; vous aurez eu le temps de vous organiser, et alors l'heure sera venue. Salut, anarchie, collectivisme et surtout de l'action"[ (81)].
Ces propos confirment indubitablement le changement de stratégie de la F.R.E. et sa détermination à passer à l'action à la moindre occasion propice. Ainsi, dans la nuit du 19 au 20 juin, une cinquantaine de collectivistes catalans, avec José García Viñas et Paul Brousse à leur tête, s'emparèrent de l'hôtel de ville de Barcelone pour y instaurer une commune libre ; dans une indifférence générale, ils quittèrent les lieux le lendemain sans même avoir été inquiétés par la police[ (82)]. En août 1873, le groupe de La Solidarité Révolutionnaire dut s'exiler en Suisse pour fuir la répression.
Selon Clara Lida, certains communards, dont Combatz, Pyat, Lissagaray et Cluseret, se trouvaient à Madrid auprès des fédéralistes, début juin 1873. Pendant l'insurrection cantonaliste, la presse, les informateurs de la police et les diplomates français signalaient la présence de réfugiés français dans de nombreuses villes, dont Carthagène, Malaga et Séville[ (83)]. Ces émigrés étaient porteurs d'une expérience et d'une idéologie révolutionnaires, mais il ne faut surtout pas en déduire que le soulèvement cantonaliste fut une conséquence de la Commune. Le cantonalisme résulte à la fois d'un héritage historique (fueros du Moyen Age), de la propagande anti-centraliste d'une partie des républicains et de la propagande fédéraliste anti-autoritaire de la F.R.E. La Commune intervient en tant que référence supplémentaire, comme modèle, ainsi que le démontre une lettre de González Morago datée du 6 juillet 1873 :
"Vous comprendrez du reste aisément que nous ne pouvons pas laisser le tout au hasard et qu'une organisation préalable est nécessaire ; ce qui plus est : en donnant le signal d'un point central, le mouvement revêtira ce caractère spontané qui d'habitude fait défaut dans les révolutions et auquel rien ne résiste. Si les grandes villes françaises avaient employé ce même moyen en 1871, la Commune n'eût pas été vaincue et le mouvement s'étendant comme par enchantement à tous les centres importants faisait triompher la Révolution sociale sans grands efforts. C'est pourquoi nous mettons à profit les leçons de l'Histoire et nous sommes décidés d'opposer une organisation scientifique à nos ennemis [...]"[ (84)].
Ce mouvement insurrectionnel fut un échec car, dans la plupart des cas, il est demeuré essentiellement politique. Clara Lida en fait une analyse très pertinente :
"La soudaine collaboration entre ouvriers fédérés, politiciens intransigeants et communalistes étrangers ne peut être comprise comme une solidarité de classes, mais comme l'union de groupes multiples agglutinés par le mythe de l'insurrection et la Commune comme symboles de solidarité. Dans ce contexte, la prédominance de la bourgeoisie républicaine dans les divers Comités et Juntes révolutionnaires explique l'impossibilité des insurgés de résoudre le profond malaise général par des mesures sociales et économiques fondamentales"[ (85)].
En d'autres termes, pour avoir une chance d'aboutir sur le terrain social, il aurait fallu que le soulèvement cantonaliste devienne immédiatement une révolution prolétarienne, qu'ouvriers et paysans débordent les politiciens bourgeois en imposant le collectivisme, l'administration directe du canton par les fédérations de producteurs, etc. Ce qui ne fut pas le cas. Par conséquent, cela démontre que la base de la F.R.E. n'avait pas intégré l'analyse correcte de la Commune faite par le Conseil fédéral et que celui-ci avait surestimé les forces et la maturité idéologique de ses adhérents, encore bercés par les espoirs d'un républicanisme social. Le Conseil fédéral, dans son "Manifeste aux travailleurs d'Espagne" du 31 janvier 1872, les avait pourtant mis en garde :
"Il est nécessaire que nous ne retombions pas dans d'anciennes et funestes erreurs [...]. Travailleurs, il est nécessaire que cette liberté que tous proclament, que tous disent aimer, ait une garantie, la seule qui puisse la rendre impérissable : la transformation des conditions sociales. Il est nécessaire, si la révolution avait lieu, si nous devions y participer, que nous n'abandonnions pas le terrain de la lutte, que nous ne lâchions pas les armes sans avoir vu se réaliser notre grande aspiration : l'émancipation sociale des travailleurs par les travailleurs eux-mêmes. Il est nécessaire que nous ne confiions à aucune classe, à aucun parti, à aucun pouvoir la tâche de notre émancipation. Il est nécessaire qu'avant que ne se reconstitue un pouvoir quelconque, les travailleurs entrent en possession de ce qui leur appartient légitimement [...]. Il est nécessaire que les travailleurs, ayant triomphé, de plein droit se constituent dans chaque localité en assemblée générale de fédérés et décident solennellement la transformation de la propriété individuelle en propriété collective, en commençant immédiatement à user de tous les instruments de tavail [...] en les faisant administrer par les Conseils locaux de leurs fédérations respectives"[ (86)].
Seuls le soulèvement d'Alcoy (province d'Alicante), où résidait la Commission fédérale de la F.R.E. depuis janvier 1873, et celui de Sanlúcar de Barrameda (prov. de Cadix), avaient réellement commencé à prendre un caractère socialiste libertaire[ (87)]. Les révoltes furent matées par l'armée gouvernementale vers la mi-août, exceptée celle du port militaire de Carthagène (prov. de Murcie) qui se prolongea jusqu'au 11 janvier 1874. De nombreux militants furent faits prisonniers et expédiés en exil, en particulier en Amérique où ils contribuèrent activement à la propagation de l'idéologie l'anarchiste[ (88)].
L'échec cantonaliste poussa la F.R.E. à minimiser sa participation et à douter des chances de succès d'une révolution qui ne fût pas internationale, mais il ne remit pas en cause sa stratégie insurrectionnelle, bien au contraire. Le 3 janvier 1874, le coup d'Etat du général Pavía mettait fin à la première expérience républicaine et l'Internationale espagnole était à nouveau dissoute. Cette nouvelle période de clandestinité, qui dura jusqu'à 1881, conduisit la F.R.E. à fusionner avec l'Alliance de la démocratie socialiste en 1875[ (89)] et à recommander progressivement l'action terroriste (premiers signes dès novembre 1873). Le IV[ème] Congrès (Madrid, juin 1874) proclamait que les représailles étaient un devoir[ (90)] et les Conférences régionales annuelles, qui ont ensuite remplacé les Congrès, confirmèrent systématiquement le choix de la conspiration violente de 1874 à 1879[ (91)]. Sur le terrain, les actions terroristes se multiplièrent en Andalousie à partir de 1878-1879. Et en 1886, lors d'une soirée de commémoration du XV[ème] anniversaire de la proclamation de la Commune, le propagandiste anarchiste Teobaldo Nieva déclara qu'un des enseignements de la révolution parisienne était que les prolétaires ne devraient jamais refréner les passions violentes inspirées par la justice, parce que la répression avait signé l'arrêt de mort des oppresseurs : "l'émancipation, disait-il, n'est accessible qu'aux violents qui l'arrachent en enfonçant dans la poussière, par tous les moyens, les injustices et ceux qui les perpétuent !"[ (92)].
L'exemple de la Fédération espagnole illustre donc trois ruptures fondamentales que connaît le mouvement ouvrier international à la suite de la Commune. La première, la scission entre marxistes et bakouninistes, se solde par la prépondérance des anarchistes dans la Péninsule. La seconde est que la révolution parisienne d'abord, le soulèvement cantonaliste ensuite, permettent au prolétariat de distinguer clairement entre fédéralisme républicain et socialisme fédéraliste, révolution politique et liquidation sociale. La troisième, enfin, est que les anarchistes abandonnent progressivement la propagande pacifique (théorique) au profit de la "propagande par le fait" (action), généralement violente. En Espagne, cette évolution passe par une phase insurrectionnelle, pendant laquelle la Commune constitue un modèle de référence. En avril 1877, il y aura aussi l'équipée révolutionnaire de la province de Bénévent en Italie, organisée par Carlo Cafiero et Errico Malatesta, avant que la propagande par le fait ne soit officiellement préconisée lors du congrès annuel de la Fédération jurassienne à la Chaux-de-Fonds, en octobre 1880[ (93)].
43) Il est inutile de les citer toutes ici. Le lecteur pourra en trouver une liste dans Clara E. LIDA : Anarquismo y revolución en la España del XIX. - Madrid : Siglo XXI, 1972, p. 268-269. Mentionnons tout de même deux traductions de Raoul Rigault : Proceso et La Commune de París, Barcelone, 1871 ; un ouvrage d'Antonio Ribot : La Municipalidad de París y el gobierno de Versalles, Madrid, 1871 ; un livre de Ramón de Cala : Los Comuneros de París, avec un prologue de Francisco Pi y Margall, Madrid, 1872 ; un ouvrage de Miguel Morayta : La Commune de París, Madrid, 1872.
44) En Espagne, les républicains étaient divisés en deux groupes. Les plus conservateurs, les centralistes, avaient pour chef Emilio Castelar (1832-1899) ; les fédéralistes, étaient dirigés par F. Pi y Margall (1824-1901).
45) Du reste, nombre de prolétaires restaient de fervents partisans du républicanisme fédéraliste.
46) Cf. José ALVAREZ JUNCO : La Comuna en España. - Madrid : Siglo XXI, 1971 (Historia), p. 1-5 et Carlos SECO SERRANO : "L'Espagne, la Commune et l'Internationale", in 1871. Jalons pour une histoire de la Commune de Paris ; publié ss. la dir. de Jacques Rougerie, avec la collaboration de Tristan Haan, Georges Haupt et Miklos Molnar. - Paris : PUF, 1973, p. 222-239.
47) Journal de la Fédération barcelonaise. Cité par ALVAREZ JUNCO, ibid., p. 18.
48) C'est nous qui faisons toutes les traductions.
49) J. Rougerie cite en exemple ce texte de l'organe quasi officiel de l'A.I.T. à Paris pendant la Commune, La Révolution politique et sociale : "Nous sommes pour la Révolution, c'est-à-dire un état de choses tel que, sans secousse, sans désordre, sans coup d'Etat, sans émeute, sans léser aucun intérêt légitime, les réformes politiques et sociales cessant par la liberté complète de pensée d'être un épouvantail pour les niais et les ignorants, puissent passer aisément du domaine de la théorie sur le terrain de la pratique [...]". Et l'historien commente : "Le Droit, la Justice, et l'évidence de Nombre organisé suffisent. C'est qu'aussi, cette révolution, on la considère beaucoup moins comme le fruit de la lutte que comme le commencement de l'inévitable réconciliation des classes. L'International tend la main au bourgeois, naturellement pas au tout petit nombre des "féodaux" industriels, mais à la "bourgeoisie travailleuse", Jacques ROUGERIE : "L'A.I.T. et le mouvement ouvrier à Paris pendant les événements de 1870-1871", in 1871. Jalons..., op. cit., p. 66-67.
50) C'est la date anniversaire du soulèvement populaire contre les troupes napoléoniennes en 1808.
51) Voir Anselmo LORENZO : El Proletariado Militante. Memorias de un Internacional, t. I, Primer Período de la Asociación Internacional de los Trabajadores en España. - Toulouse : Editorial del Movimiento Libertario Español-CNT en Francia, 1946, p. 157-163.
52) Voir ALVAREZ JUNCO, op. cit., p. 181-183.
53) Le premier était typographe, le second cordonnier et le troisième graveur.
54) Allusion aux républicains fédéralistes qui n'approuvaient pas les "crimes" des communards.
55) Cité par ALVAREZ JUNCO, op. cit., p. 19-20, note 30. Texte reconstitué à partir de la presse de l'époque.
56) Nous nous basons sur trois articles de La Federación (Barcelone), publiés le 4 juin, le 11 juin et le 2 juillet 1871 et intitulés respectivement "Paris", "Le début d'une révolution", "Le legs de la Commune". Reproduits par ALVAREZ JUNCO, ibid., p. 181-196.
57) Teobaldo Nieva : "Le legs de la Commune", La Federación, 2 juillet 1871, ibid., p. 190.
58) Voir Anselmo LORENZO, op. cit., t. I, p. 165-175. Mora et Lorenzo rentrèrent en Espagne entre la mi-août et la mi-septembre 1871.
59) Voir ibid., p. 113-120 et Josep TERMES : Anarquismo y sindicalismo en España. La Primera Internacional (1864-1881). - Barcelona : Ed. Ariel, 1972, p. 84-108.
60) Voir, citée par Anselmo LORENZO, op. cit., t. I, p. 132-135, la réponse du Conseil fédéral, le 23 juin 1871, à une invitation des républicains fédéralistes (12 juin) et le commentaire qu'en donna La Federación le 9 juillet 1871. Voir également p. 209-210, le programme du nouveau journal internationaliste de Madrid, La Emancipación, paru en été 1871.
61) Cité par Anselmo LORENZO, ibid., t. I, p. 211-213. Article paru probablement le 24 juillet 1871.
62) Ibid., p. 181.
63) Lors de ce congrès, les délégués s'opposèrent à l'unanimité aux décisions du Congrès international de La Haye et adhérèrent aux résolutions du Congrès dissident de Saint-Imier.
64) In Anselmo LORENZO, op. cit., t. I, p. 174-175.
65) Ibid., t. I, p. 210.
66) Ceux-ci, dont Francisco et Angel Mora, José Mesa et Pablo Iglesias, fondèrent, en juin 1872, une nouvelle fédération madrilène qui devint le noyau du futur Parti socialiste ouvrier, fondé en juillet 1879. Ils tinrent leur premier congrès à Tolède, en mai 1873, et établirent un Conseil fédéral à Valence, mais ils s'effacèrent progressivement de la scène politique espagnole jusqu'aux années 1880. C'est en 1883 que fut créée l'Union générale des travailleurs (U.G.T.).
67) Cité par ALVAREZ JUNCO, op. cit., p. 19. La Emancipación était passée sous le contrôle du courant marxiste.
68) Après un débat aux Cortes sur la légalité de l'Internationale pendant lequel peu de républicains, hormis F. Pi y Margall, N. Salmerón et E. Castelar, osèrent la défendre.
69) In Anselmo LORENZO, op. cit., t. I, p. 204.
70) Ibid., t. I, p. 207.
71) Il s'agit d'une "Protestation des délégués au Congrès régional de Saragosse" contre l'ordre de dissolution de l'assemblée donné par les représentants de l'autorité publique. Il est à noter que cette déclaration était également signée par P. Lafargue, P. Iglesias, J. Mesa et F. Mora, qui participaient au Congrès. Ibid., t. II, p. 61-62.
72) Ibid., t. I, p. 217-218.
73) Ibid., t. I, p. 251. Bakounine, à travers son Alliance de la démocratie socialiste (cf. infra), a peut-être joué un rôle direct dans la mise en place d'une structure clandestine. Clara Lida a noté qu'entre décembre 1871 et mai 1872 on avait pu recenser plus d'une douzaine de lettres de l'anarchiste russe adressées à des militants de la F.R.E. (LIDA, op. cit., p. 155).
74) Ibid., p. 172-185 et César M. LORENZO : Les Anarchistes espagnols et le pouvoir. 1868-1869. - Paris : Seuil, 1969 (col. Esprit), p. 21-27.
75) LIDA, op. cit., p. 186.
76) Ibid., p. 192-196. A moins qu'ils ne fussent déjà cachés en Espagne depuis plusieurs mois, mais qu'ils n'osaient paraître au grand jour que depuis la proclamation de la République. En tout cas, les rapports de police se multiplient à leur sujet.
77) Ibid., p. 196-197 et Jean MAITRON : Le Mouvement anarchiste en France, tome I. - Paris : Gallimard, 1992 (col. Tel ; 196), p. 89-90.
78) La branche ibérique de cette organisation secrète (créée en Suisse par Bakounine en octobre 1868) fut constituée à Barcelone, entre août 1869 et le printemps 1870, par Rafael Farga Pellicer et Gaspar Sentiñón, l'administrateur du journal La Federación, qui avait publié le "Manifeste" du Conseil fédéral de la F.R.E. début juin 1871.
79) Lors du VI[e] Congrès général de l'AIT (Genève, 1[er] septembre 1873), Brousse était délégué de la F.R.E. conjointement avec Alerini qui était aussi délégué de la section de langue française de Barcelone. Cf. MAITRON, op. cit., p. 71, note 19.
80) Le premier numéro de cet hebdomadaire parut le 10 juin 1873.
81) Cité par LIDA, op. cit., p. 197.
82) Voir César LORENZO, op. cit., p. 24, note 18 et TERMES, op. cit., p. 184-186.
83) Cf. LIDA, op. cit., p. 198-199.
84) Citée par TERMES, dans sa traduction française, op. cit., p. 199.
85) LIDA, op. cit., p. 200-201.
86) In Anselmo LORENZO, op. cit., t. I, p. 207-208. En définitive, l'erreur réside peut-être dans ce "ayant triomphé", comme le notait Kropotkine en 1881, à propos de la Commune (cf. "Des anarchistes et de la Commune de Paris").
87) Cf. LIDA, op. cit., p. 205-211, César LORENZO, op. cit., p. 21-27 et TERMES, op. cit., p. 197-212.
88) Cf. SECO SERRANO, op. cit., p. 235-237 et Marcelo SEGALL : "En Amérique latine. Développement du mouvement ouvrier et proscription" in 1871. Jalons..., op. cit., p. 325-369.
89) Voir Anselmo LORENZO, op. cit., t. II, p. 137-142.
90) "Le Congrès [...] Reconnaît comme un devoir la représaille tant que les travailleurs seront traités comme des animaux sauvages [...]", ibid., p. 125.
91) Cf. TERMES, op. cit., p. 234-235 et 240-241 ; Anselmo LORENZO, op. cit., t. II, p. 142-143 et 180-185.
92) "La Commune de Paris", in Suplemento al ndeg. 5 [Año I] de Acracia. Revista sociológica [Barcelona] correspondiente a Mayo [de 1886], 18 de marzo de 1871 - 18 de marzo de 1886. Velada socialista artístico-literaria en conmemoración del XV aniversario de la Proclamación de la Commune de París, organizada por varios anarquistas de Barcelona y de las poblaciones del llano, celebrada en el Teatro Ribas ; in Acracia [édition des 30 numéros de cette revue, de janvier 1886 à juin 1888], Barcelona : Impr. Leteradura, 1978 (Col. Ready Mades), p. VIII.
93) Cf. MAITRON, op. cit., p. 75-85.